lundi 27 janvier 2014

Ma psy s'appellerait Lorie ?

(Article écrit en février 2011)

Depuis deux mois environ, je vis une nouvelle vie.

Dit de cette manière, cela semble simple. Il suffit de le constater à la télé où l’on vous propose un nouveau look pour vivre une nouvelle vie. Concept qui m’amuse. Comme s’il suffisait de faire une coloration et un brushing pour permettre à une femme de mettre dehors son mari qui passe son temps à contracter des crédits et à surendetter sa famille !

Bref, je m’égare…

Pour vivre une nouvelle vie, il faut tout reprendre du début, faire place nette. Un grand ménage s’impose pour garder ce qui existe et fonctionne, les gens sur lesquels on peut compter, les affaires que l’on ne veut pas quitter, pour se renouveler et voir les leçons que l’on peut tirer. Se débarrasser du reste et finir le rouleau de sacs poubelles.

Concrètement je me dessine de nouvelles habitudes, une autre façon de penser. Je me crée un mode de vie qui m’est propre, je teste, je tâte le terrain. Je ne m’encombre pas de choses inutiles et de pensées futiles… Du moins j’essaie.

Mais avant tout cela, un temps m’a été nécessaire, une digestion remplie de quelques semaines de baisse de moral, de perte d’appétit, saupoudrés de « j’ai pas envie de sortir, laissez moi pleurer et me lamenter sur mon sort » mais paradoxalement aussi de « aidez moi je me sens seule », et enfin ajoutez quelques « je déteste les gens heureux ». C’est prêt, à déguster sans attendre !

Le moment déstabilisant de cette bonne recette (qui je suis sure donne envie à bon nombre d’entre-vous, chers lecteurs) c’est lorsque j’ai commencé à avoir l’impression que la télé et la radio me parlaient. Je peux ici mettre mon expression favorite « et là, c’est le drame ». Prise dans mon délire dramatico-désespérant, je ne parvenais pas à me fixer sur un programme télé ou une radio précise durant plus de 5 minutes, tout m’énervait, tout était nul.

Et puis, il y a eu ce clip de Lorie, vous savez cette chanteuse que nous admirons toutes et tous pour sa passion de la philosophie et ses choré à vous filer un lumbago si vous tentiez de l’imiter. Lorie dans ce clip est très romantique et elle dit tout haut en me regardant droit dans les yeux : « Hey, je sais, c'est un grand vide quand il n'est pas là. Je crois, qu'il ne le sait même pas.» Pardonnez moi l’expression mais je suis sur le cul, comment Lorie a-t-elle pu lire si justement dans mes pensées à cet instant précis ?

Et ce n’est pas tout, les jours suivants, la chanteuse ne va pas cesser de m’envoyer des messages subliminaux, tantôt en demandant à la radio que j’écoute au moment où je l’écoute, de diffuser LA chanson qui va m’aider à éclairer mes pensées ! Tantôt en se tortillant devant la plage avec ses danseurs lors d’une soirée spéciale « clips teenager. »

Alors que je me rendais au travail en voiture, la tête embrumées par ces 90kms à parcourir qui me semblent toujours être une éternité, j’entends « Je vais vite, je m'entraîne à ne pas perdre une seconde. Je vais vite mais je freine, quand je vois que tu tombes. Je vais vite, car je sais, que le chemin est long » 
Comment sait-elle que je travaille loin de chez, que je suis en retard et que du coup, je roule un peu vite ?

Et ce n’est pas tout !

La lolita a décidé de ne pas me lâcher tant que je n’aurais pas retrouvé la « positive attitude ! »  Et elle me l’a dit très clairement « Je resterai... Ta meilleure amie. Je serai là toujours pour toi, n'importe où quand tu voudras »

C’est qu’elle m’a très vite cernée, il faut dire qu’elle est finaude. Lorsque j’ai une petite baisse de moral et que j’ai du mal à expliquer le pourquoi du comment, heureusement, elle est toujours là pour me rendre à l’évidence :
 « J’ai besoin d’amouououour, des bisous, des câlins j’en veux tous les jououououours »

Aaaaaaah Lorie, si j’avais su… Je n’aurais pas allumé ma télé ce soir là ! 
Ce maudit « week-end »…

dimanche 26 janvier 2014

La psychiatrie

(Article écrit en Mai 2011)

En ce moment je suis une formation sur les souffrances psychiques.

Après avoir travaillé en psychiatrie durant presque deux ans, enfin, j’obtiens cette formation que j’attendais tant. Ce qui est amusant c’est que je ne travaille plus en psychiatrie aujourd’hui ! Mais vous vous en doutez, si mon employeur me suggère cette formation c’est parce que je suis amenée à rencontrer et travailler avec un public touchant de loin ou de près à la psychiatrie.

Cette formation est très bien faite, on passe en revue les pathologies les plus couramment rencontrées au quotidien et on échange sur « comment ça marche », quelle conduite tenir, comment aider au mieux la personne, etc. Vraiment intéressante cette formation.

Comme je vous le disais, lorsque je travaillais en psychiatrie j’aurai bien aimé avoir cette formation. Tous les jours j’entendais des termes comme trouble bipolaire, décompensation, neuroleptiques, traumatisme frontal, psychose (voire psychose puerpérale), borderline, korsakoff, ambivalence, anosognosie (j’arrive jamais à le dire celui-là !) et tous leurs amis. J’étais gênée de ne pas toujours savoir ce que ces termes voulaient dire alors quand je les entendais lors des réunions avec les médecins anti-social (et non pas antisociaux), je hochais de la tête pour montrer que mon 2e prénom c’est Larousse donc je connais tout. Mais je les notais discrètement sur mon cahier pour penser à aller chercher la définition dès que possible. Définition que j’oubliais à peine trouvée bien souvent !

Bien sur, durant ma formation d’AS, tout comme vous (enfin la plupart d’entre vous) j’ai eu un module « psychologie » durant lequel nous avions évoqué dans les très grandes lignes quelques notions de psychiatrie. Mais de loin insuffisantes pour mon poste.

Au delà de cet apport théorique, cette formation me replonge dans ce monde que j’avais tant apprécié. La psychiatrie a ses côtés mystérieux, tabou, dérangeant, effrayant et passionnant que j’aimais côtoyer. Oui, je dis bien passionnant (je sais que des lectrices sont AS en psy, je vous vois venir !) car avoir la possibilité d’être au quotidien avec des personnes qui n’ont pas toujours conscience de leur état de santé, des personnes qui vivent « dans leur monde », des personnes imprévisibles demande beaucoup d’énergie, de contrôle de soi, de patience. J’ai souvenir de mes fins de journée quand, avant de reprendre la route pour parcourir 90km et rentrer chez moi, avec mes collègues psy on se payait une tournée… d’Efferalgan !
Au fond, ce qui m’attire tant dans la psychiatrie c’est ce qui se passe au niveau neurologique. Allez savoir pourquoi, je trouve captivant l’activité d’un cerveau et ses conséquences sur l’ensemble du corps, sur notre comportement et donc, sur notre vie.

J’aimais beaucoup mon travail avec les patients, mais avec l’équipe c’était une autre histoire. Le manque de personnel et de moyen financier de la clinique fragilisait l’ensemble. Une lourde ambiance de précarité à tous les niveaux flottait dans l’air : turn-over des salariés (4 AS en 3 mois avant que je n’arrive !), médecins surchargés, patients déstabilisés par tous ces changement de personnel… Une équipe complètement désolidarisée dans laquelle la loi du « un pour tous, chacun ma gueule » règnait clairement. Autant dire que lorsqu’il nous arrive un incident, on est seul. Ce qui m’est arrivé mais je vous le raconterai dans un autre article ! (Faut bien mettre un peu de suspense et tenir mon lectorat en haleine)

Etre AS en psychiatrie est un boulot très enrichissant : on joue le rôle d’éducateur, de tuteur, d’écrivain public, de médiateur, d’animateur, de chauffeur de taxi, de secrétaire et accessoirement d’assistante sociale. J’avais régulièrement cette impression d’être un peu le « fourre tout » des collègues notamment lorsqu’un patient posait une question et qu’ils n’avaient pas la réponse (ou qu’ils ne la cherchaient pas !). Par exemple, j’ai reçu une fois un patient envoyé par une infirmière qui a attendu 15 jours son rdv à cause de la forte demande, qui souhaitait juste téléphoner à sa mère pour lui demander de ramener du shampoing. L’infirmière intérimaire lui avait répondu que pour les démarches diverses fallait voir avec moi !

J’ai beaucoup appris durant ces « presque » deux années, aujourd’hui j’admire les AS qui travaillent dans ce domaine, qui bien souvent sont très seules dans leur travail et doivent faire face à une lourde demande.

jeudi 23 janvier 2014

Mots d'excuses

(Article écrit en juillet 2011.)
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Et voilà, c'est l'Eté, les vacances, le soleil...de temps en temps, entre deux nuages mais on s'en fiche, c'est l'Eté ! Je ne suis pas en congés mais j'ai retrouvé l'inspiration qui me manquait cruellement ces derniers temps, pour votre plus grand plaisir... Enfin, je l'espère !

Qui dit période estivale, dit programmation télévisuelle de haute qualité culturelle telle que les "Best-of", les "Cent plus grands", les "Meilleurs moments" voire même les "Best-of des cent plus grands meilleurs moments." Alors me dis-je, pourquoi ne pas en faire autant ?

Je vous propose donc mon "Top 8 des meilleures excuses de retard ou d'oubli de rendez-vous."

En général, je fonctionne par permanence. Les personnes que j'accompagne savent qu'elles peuvent venir me voir sur un créneau horaire précis. Mais il m'arrive de devoir fixer des rendez-vous pour un accompagnement sur l'extérieur, pour une démarche précise et lorsque les personnes concernées ne viennent pas ou ne veulent pas venir, c'est là que les meilleures excuses fusent...

Excuse n° 1 : Une maman attentionnée.
" Bonjour, je vous appelle parce que je peux pas venir tout à l'heure à notre rendez-vous, y'a carnaval à Auchan, je dois y amener mon fils "
(Et oui, le carnaval à Auchan, ce serait dommage de le manquer !)

Excuse n° 2 : Un patient en hôpital psy.
"J'ai pas pu venir, ma télé était en panne"

Excuse n° 3 : Une patiente en hôpital psy, dont le père est décédé.
" Mon père avait la droule*, je pouvais pas être partout vous comprenez ! "

Excuse n° 4 : Un sortant de prison.
" Vous n'êtes pas venu à notre rendez-vous mardi "
" Et alors ? T'es assistante sociale ? "

Excuse n° 5  : Une maman qui vit au rythme des encombrants.
" Ah on avait rendez-vous ? Bah oui mais bon y'avait les encombrants ! "

Excuse n° 6 : Un papy de 71 ans.
" Oh la la Madame, j'suis dé-so-lé. Je sais vous allez m'dire que vous avez du travail, que vous n'avez pas qu'ça à faire, et j'vous respecte, j'vous jure, mais c'est pas de ma faute cette fois, c'est ma mobylette elle démarrait pas..."
" Et depuis quand vous avez une mobylette ?"
" Bon, j'aurai essayé au moins ! "

Excuse n° 7 : La bricole girl qui se parfume au white spirit.
"Chuis en r'tard mais j'faiso d'la peinture et Djezon y m'a pas dit que c'étot l'heure "


Excuse n° 8 : Un papy de 88 ans et le changement d'heure.
" Y'a le changement d'heure, tu m'as pas dit si c'était la nouvelle ou la vieille heure "


*pour les non-ch'tis, la "droule" signifie diarhée... Bon appétit bien sur !

mercredi 22 janvier 2014

Quand j'ai le travail dans la tête

(Article écrit en avril 2011)

Quoi de plus agréable que de pouvoir s’installer sur une terrasse, au soleil, l’ordinateur sur les genoux (toujours), un léger vent me décoiffe, juste là pour me rappeler qu’on est dimanche et que je m’en fous si mon brushing n’est pas fait. Des mouches qui viennent tourner autour de moi, que je tente désespérément de chasser du revers de la main. C’est la fin du week-end, déjà... Ma semaine a été éprouvante. Malgré le cadre reposant, je n'en profite pas vraiment, deux situations me travaillent, me hantent. Deux messieurs.

Le premier doit subir un pontage coronarien le plus rapidement possible. Diabétique, il se relève doucement d’un cancer de la prostate à 63 ans. Sa santé est très précaire, le médecin lui a bien dit, sans cette opération il prend beaucoup de risque. Monsieur n’a pas le moral, son opération lui fait peur : peur de ne pas se réveiller. Sa famille est restée au pays. En France, il est seul. Quoique, pas tout à fait en fait mais ça, on n’est pas censé le savoir. Car depuis 11 ans, monsieur remue ciel et terre pour aider son fils a obtenir des papiers et a séjourné en France de façon légale. Son fils, il le cache. Il ne dit pas où, trop peur que ça se sache.

Cette hospitalisation, il la voit comme une occasion en or. Il a entendu dire que lorsqu’un étranger vient dans un pays pour accompagner un membre de sa famille malade, il peut obtenir un récépissé provisoire. Alors monsieur passe ses journées à envoyer par fax à la Préfecture depuis le point phone du quartier, sans mentionner de destinataire précis, ses comptes-rendus médicaux, ses ordonnances, ses analyses de sang… Tout ça dans le but que la Préfecture offre enfin la possibilité à son fils de sortir de sa cachette sans craindre l’arrestation.

Et puis il y a eu cette consultation chez le cardiologue, en vue de préparer l’opération. Monsieur a souhaité que son fils l’accompagne, comme ça, le docteur pouvait lui faire un certificat médical expliquant que la présence de son fils pendant et après l’opération est indispensable pour monsieur et sa santé. Tout s’est bien passé à cette consultation, monsieur a obtenu son certificat médical, il allait le faxer à la Préfecture avec son fils… Mais c’était sans compter sur un contrôle de papier inopiné effectué par une brigade de policiers qui passait par là. Mauvais endroit, mauvais moment. Le fils de monsieur a pris peur et s’est enfuit. Course poursuite. Il est finalement arrêté, menotté et placé en centre de détention. Tout cela sous les yeux de monsieur qui paralysé par la situation, n’a pu rien faire.
Le lendemain, monsieur vient me voir. Paniqué, agité, essoufflé. Je tente de le calmer, je pense à ses problèmes de cœur, faudrait pas qu’il fasse un malaise maintenant. Il me demande de téléphoner à la Préfecture et de dire qu’il faut que son fils ait des papiers pour qu’il sorte de prison. Je lui suggère de nous rapprocher d’une association d’aide aux sans-papiers que je connais. Entre alors dans la danse Josette, une juriste à la retraite qui consacre son temps et son énergie à défendre les sans-papiers. Grâce à elle, je peux expliquer à monsieur que son fils est en détention provisoire, en attente d’un jugement au tribunal administratif qui pourrait ordonner sa reconduite à la frontière. Mais Josette est confiante, un accord européen vient de passer, il suspend toute reconduite à la frontière jusqu’à nouvel ordre en raison des mouvements sociaux actuels au Maroc, en Tunisie, etc.

2 jours plus tard, l’audience a lieu. Monsieur et Josette sont présents. Comme prévu, le fils est libéré avec un récépissé l’autorisant à rester sur le territoire français durant un mois. Josette prend le dossier en charge, elle va tout faire pour accélérer les choses auprès de la Préfecture qui depuis le dépôt de la demande de titre de séjour du fils, il y a presque 4 mois, ne s’est toujours pas prononcée. Monsieur est sous pression, vit mal la situation, a peur de ne plus avoir son fils à ses côtés, peur de ne pas survivre à cette opération et de mourir seul, ici. Sur conseils de Josette, il est venu me voir avec ce fils, que j’ai rencontré pour la première fois, pour remplir une demande de CMU. Tous deux parlent et comprennent très peu le français. J’explique qu’il faut joindre certains papiers à ce dossier, du moins je tente. Ils ne comprennent pas et pensent que je refuse de les aider. Monsieur s’énerve alors, entre dans une colère noire. Ce monsieur si calme et réservé d’habitude, je ne le reconnais pas. Il se met debout subitement et lève la main, menaçant de me frapper. Surprise et craignant qu’il passe réellement à l’acte, mon réflexe a été de lui ordonner de sortir de mon bureau pour se calmer dans la salle d’attente. Quelques minutes plus tard, il est revenu, s’est excusé de son excès. J’ai rempli le dossier de CMU, sans les justificatifs à joindre.

Aujourd’hui, nous en sommes là. L’échéance du récépissé pèse comme une épée de Damoclès au dessus de la tête du fils et de son père, qui refuse de se faire opérer tant que son fils n’aura pas obtenu un titre de séjour. J’ai beau lui dire que l’obtention des papiers n’est pas sure, que cela va prendre du temps, qu’il devrait « profiter » du récépissé de son fils pour se faire opérer… Rien n’y fait. Aux dernières nouvelles, si le fils n’obtient pas ses papiers à l’échéance de son récépissé, monsieur fera une grève de la faim…


Le deuxième est un monsieur français, d’origine algérienne. Il était marié à une française, vivait dans une belle maison. Elle s’occupait de tout, il était commerçant. En 2009 elle est décédée d’un cancer. Tout s’est écroulé autour de lui. A la retraite, seul, monsieur se laissait partir petit à petit, ne s’alimentait plus, ne sortait plus, ne payait plus ses factures, son loyer. Il restait simplement assis sur son lit, jour et nuit, et regardait le mur face à lui. Ses voisins se sont inquiétés de ne plus le voir et ont contacté la police. C’est ainsi qu’il est entré au foyer, pour rompre son isolement tout en lui permettant de garder un « chez lui ». Ce passage à vide a laissé ses traces : il souffre de diabète insulino-dépendant et n’a pas fait ses injections depuis des mois, de problème de reins, d’un souffle au cœur, de dénutrition.
Depuis son entrée au foyer, régulièrement il retourne au pays, là-bas il s’est remarié. Alors qu’il revenait au foyer après quelques mois passés auprès de sa femme, il a fait un malaise à la gare de Marseille. Durant un mois, il est resté à l’hôpital de Marseille. Personne n’a été informé de cela : au foyer, l’idée qu’il soit décédé là-bas nous a même traversé l’esprit.
Courant mars 2011, ce monsieur que je n’avais encore jamais vu, se présente à ma permanence. Il s’assied. Ne parle pas. Regarde dans le vide. Une odeur nauséabonde envahit le bureau, un mélange de transpiration et d’urine. Silence. Un long silence. Il ne parle toujours pas. Je sens qu’il va très mal, je tente de faire connaissance avec lui, je lui demande son nom. Et là, les larmes vont couler à flot, il tremble, épuisé. Il me raconte lentement et difficilement son périple : l’Algérie, l’hospitalisation à Marseille où il a cru qu’il allait mourir seul, le vol de ses valises dans le train, son retour au foyer depuis la veille à 23h, qu’il n’a plus d’habits, n’a pas mangé depuis sa sortie de l’hôpital soit 3 jours, qu’il a eu très peur, il veut dormir et ne sait pas comment il est arrivé jusqu’au foyer et qu’il n’a plus d’argent sur son compte car sa retraite n’a pas été versée.
Je ne réfléchis pas à ce que je peux ou ne peux pas faire. J’agis sans me poser de question : je connais un restaurant à côté du foyer qui m’avait proposé de faire don de repas aux résidents les plus malades et les moins mobiles, je contacte le CCAS pour demander une aide financière d’urgence, je vais au vestiaire du Secours Populaire et reviens avec quelques vêtements, je vais à la laverie du coin avec les habits qu’il portait, je vais lui faire quelques courses avec l’aide financière du CCAS que j’ai réussi à obtenir dans la journée, je contacte son médecin traitant qui vient le voir le jour même et nous mettons en place des soins infirmiers à domicile pour que ses injections d’insuline soient faites, je prends sa pile de courriers non ouverts depuis des mois et fais le tri.
Son mal-être me touche. Je passe le voir chaque jour, bien que je ne sois qu’à mi-temps, à chaque fois je le trouve dans son lit, il n’a pas mangé. Je lui prépare un petit quelque chose et reste avec lui jusqu’à ce qu’il termine son assiette. Je lui ai proposé de mettre en place une aide ménagère, il ne veut pas de tout ça, il est fatigué.
Tout doucement, les larmes vont laisser place à l’errance et à l’envie de retourner en Algérie. De nombreuses fois, je suis allée le voir chez lui, il n’y était pas. Il tourne en rond. Ne se sent plus à sa place au foyer. Lors du passage des infirmières, il n’est souvent pas chez lui. Ses injections ne lui sont donc pas régulièrement faites.
Dans sa tête ce monsieur n’est plus au foyer, il est déjà reparti en Algérie… Définitivement. Lundi prochain, ce monsieur sera parti… Il a déjà son billet, en aller simple.

dimanche 19 janvier 2014

Une mission, la démission !

(Article écrit le 6/09/11)

Aujourd'hui j'ai démissionné !  

Lors de mes précédents articles, vous avez pu apprendre que je travaillais à mi-temps dans un CMPP* et que pour me rendre sur mon lieu de travail, il me fallait parcourir 180 kms aller-retour depuis mon domicile...

Outre les kilomètres qui me rongeaient, j'avais beau adorer mes collègues avec lesquels je passais de très bons moments, tant par les échanges professionnels que nous avions que pour les franches rigolades quotidiennes. Ou encore, pour nos petits rituels tels que manger ensemble le midi, nous retrouver en salle repas pour boire un café (un thé pour moi), entretenir notre coutume du goûter "mercredical" pour lequel chacun à notre tour nous apportions un gâteau, des petits pains au chocolat, etc. Cependant, je m'ennuyais fermement sur mon lieu de travail...

Ma fiche de poste était pourtant très alléchante et me plaisait bien, forcément, c'est moi qui l'avais faite !
(Ah oui, j'ai omis un détail. J'ai commencé à travailler dans cette structure le jour de son ouverture. Tout était à créer...)
Mais concrètement, cette fiche de poste n'était pas applicable à la réalité du terrain. Elle ne faisait que refléter ce que je souhaitais pouvoir faire professionnellement.

Ainsi, lorsque j'ai pris mes fonctions au CMPP, je comprenais cet ennui. La structure venait d'ouvrir, il fallait un peu de temps pour nous faire connaître sur le territoire.
Rapidement, les patients ont afflué pour les psychologues, les psychomotriciennes et l'orthophoniste mais me concernant... c'était le désert. Peu, voire pas du tout, de demande des familles, qui depuis des années avaient pris leurs habitudes avec "leur" assistante sociale de secteur et qui ne voyaient pas l'intérêt que j'intervienne dans leur situation.

Face à ces difficultés à creuser mon trou, j'ai beaucoup échangé avec mon chef qui, bien que compréhensif et volontaire, était impuissant. Comment convaincre les familles en difficulté suivies au CMPP de s'adresser à moi ?

Heureusement que nous n'avions pas le budget car j'étais prête à apâter les familles dans mon bureau avec des thermos de café et petits biscuits sortant du four pour avoir des suivis. Je me voyais déjà :" Vous voulez un café Madame ? Venez, entrez, installez-vous. Un sucre ? Du lait ? Alors il paraît que vous rencontrez des difficultés financières ? Vous tombez bien, je suis assistante sociale ! "

Le temps passant, je me suis trouvée des tâches quotidiennes qui occupaient mes journées. Seulement, il me suffisait de répondre à la question "et tu fais quoi concrètement comme boulot ?" Pour me rendre compte que ce poste ne correspondait pas du tout à ma représentation du travail social. Je ne faisais que de petites interventions, très courtes. Un seul rendez-vous avec les familles suffisait à régler le "problème". Que de l'administratif : un dossier à remplir, un courrier à lire... Malgré mes tentatives, très peu de suivis en découlaient, quasiment pas d'écoute.

J'ai travaillé 2 ans 1/2 au CMPP. J'ai recherché un poste plus proche de mon domicile durant ces deux années. J'ai passé de nombreux entretiens. J'ai été plusieurs fois choisie pour des CDD mais à chaque fois, la crainte du changement, la peur de faire une erreur en décidant de quitter un CDI pour un CDD m'empêchaient d'accepter les postes proposés.

Et parfois, la chance pointe son nez, mêlée au hasard ça donne de bonnes surprises.

Je recevais par mail les annonces de Pôle Emploi. Il m'arrivait de postuler en envoyant des "télécandidatures" via le site Internet de "Pôle". Le problème de ces "télécandidatures", c'est que l'on ne connait pas toujours le destinataire de notre candidature. Je répondais à presque toutes les annonces que je recevais par mail. 
A force, je ne savais plus où je postulais...

Un des employeur m'a convoqué environ 3 mois après l'envoi de ma "télécandidature". Autant dire que je ne m'en souvenais pas du tout !
Il y a eu un entretien, puis un deuxième et enfin un troisième.
De l'attente.
Un appel.
Une phrase "nous avons sélectionné votre candidature pour le CDI".
Un mot "merci" suivi d'un cri "Wououououououhououououuou " (après avoir vérifié que j'avais bien raccroché mon téléphone !)
Des appels " Maman ? J'ai le poste ! ", " Copine ? J'ai le poste ! ", " Collègue ? Euh... Bah... J'ai le poste, donc je quitte le CMPP dans un mois..."

Une lettre "j'ai l'honneur de vous annoncer ma démission"

Un mois de préavis qui passe extrêmement vite...

Un pot de départ, des cadeaux de la part des collègues, des larmes d'au revoir.

La dure mission de la démission est accomplie. Une page se tourne... Mais les collègues restent !


*Centre Médico Psycho Pédagogique

lundi 13 janvier 2014

Le jour où Rafiky est parti...

(Article écrit le 26/12/11)

Je vous ai présenté Rafiky (Cf : Le rhume de Rafiky).

J'accompagnais ce grand sage sénégalais quotidiennement. Je me suis vite attachée à ce personnage peu ordinaire. Il me faisait voyager par sa prestance, sa façon de parler, de s'habiller. 

Le rêve de Rafiky était de retourner au pays. Il en parlait tous les jours avec nostalgie. 20 ans qu'il n'a pas vu sa femme sénégalaise, ses grands enfants... et n'a jamais vu ses petits-enfants autrement qu'en photo.

Ce projet lui tenait à coeur.

Je m'en suis fait une mission : l'aider à réaliser ce rêve.

Chaque mois, je l'accompagnais à La Poste pour retirer 80€ qu'il glissait dans sa tirelire en forme d'avion, ses économies pour partir.

Chaque jour ou presque, je l'aidais à se préparer à ce grand voyage : nous regardions des photos de Coumbaloulou, son village, et des vidéos que nous trouvions sur internet, nous téléphonions à sa femme, ses enfants, il s'entraînait ainsi à pratiquer de nouveau le wolof, son dialecte.

Il craignait que son village ait trop changé en 20 ans et qu'il n'y retrouve plus ses repères.

Le temps a fait son effet : la tirelire en forme d'avion s'est transformée en billet d'avion, un aller au départ de Paris. Rafiky a suivi mes conseils : pour le retour, il prendra son billet sur place, quand il souhaitera revenir. Je ne lui ai jamais dit ouvertement pourquoi, je pense qu'il avait compris. Il ne reviendrait sans doute pas.

Et puis, j'ai changé de lieu de travail tout en restant dans la même association. C'était important pour lui que je puisse l'accompagner jusqu'à son départ, nous l'avions convenu avec ma remplaçante.

La veille du grand départ, Rafiky m'a téléphoné à mon nouveau bureau. Il voulait me remercier et m'informer de son départ. Me dire au revoir : "Ba suba ak jam" puis rire de façon très communicative, comme toujours.

Il m'a expliqué qu'il avait le sentiment que son coeur se divisait en deux : une moitié heureuse de retrouver enfin ses origines, l'autre moitié triste de quitter son "chez lui" français. Il ne trouvait pas les mots pour le dire mais je pense qu'il avait très peur.
Il m'a aussi demandé l'adresse de mon nouveau bureau pour m'envoyer une carte postale.

Si j'avais pu l'emmener jusqu'à l'aéroport, je l'aurai fait. Mais c'est son "neveu" de religion qui s'en est chargé, ma chef n'aurait jamais accepté les frais de déplacements !

Du haut de ses 89 ans, ce cher Rafiky est monté dans l'avion, inondé d'émotions, partagé entre l'excitation du voyage et certainement ce sous-entendu que nous n'avions jamais verbalisé mais qui nous trottait dans la tête.

Je l'ai accompagné le plus longtemps possible. Sans doute qu'au delà de sa demande, j'en avais besoin moi aussi. C'était mon moyen de lui dire au revoir. 

Rafiky est parti... il ne reviendra plus. Et nous le savions tous les deux, cet au revoir était un adieu.

Ce qui m'attriste quand je pense à lui, c'est que son rêve ne s'est finalement pas réalisé, il était si prêt du but et pourtant... C'est dans l'avion, au cours d'une sieste, que Rafiky est décédé.

samedi 14 décembre 2013

"Ce sont les aléas du métier" disaient-ils...

(Article écrit en novembre 2011)

Petite introduction :

Dans cet article je n'y vais pas de main morte sur le fonctionnement de la clinique psychiatrique où je travaillais à cette époque ainsi que sur le comportement de certains collègues. Cela ne concerne que ma propre expérience et ma vision des choses, ce n'est en aucun cas une généralité. De plus, compte-tenu du thème de l'article, j'utilise beaucoup l'ironie pour dédramatiser les choses, mon but n'étant pas de faire pleurer dans les chaumières mais de mettre la lumière sur un événement qui pourrait arriver à monsieur et madame tout le monde.

Bonne lecture !



Monsieur Idouapartir est un patient de la clinique psychiatrique. Depuis maintenant deux ans, il est hospitalisé pour une grave dépression survenue à la suite d'une rupture sentimentale. Cela ne fait « que » deux ans qu'il est dans les locaux et déjà, on peut dire qu'il fait partie des meubles.

Il est connu de tous les patients, surtout des patientes d'ailleurs. Dans son fidèle apparat, tong/short/chemise hawaïenne, il ère dans les couloirs. Il ressemble à un touriste du Club Med qui tente de « conclure ». Et contrairement à Jean-Claude Dusse, il s'avère que pour lui ça fonctionne ! Comme quoi, entre service psychiatrique et agence matrimoniale, il n'y a qu'un pas.

Ce monsieur se sent bien à la clinique. A tel point, qu'il a décidé après deux mois d'hospitalisation de rendre son logement. Pourquoi payer un loyer alors qu'il n'y vit pas ? Il y est chez lui. Un chez lui « gratuit », qui commence à déranger le psychiatre en charge de son suivi.

Un matin, comme à mon habitude, je relève le courrier dans mon casier. Ne travaillant qu'à mi-temps pour cent patients, mon casier souffre du syndrome des tupperwares. Vous savez, (je suis sure que ça n'arrive pas qu'à moi) lorsqu'on ouvre le placard pour prendre un tupperware et que la magnifique montagne de boîtes, très étudiée pour ne pas tomber, s'écroule littéralement sur votre nez... Et bien, c'est qu'il se passe avec les courriers dans mon casier. Donc, comme tous les deux jours, je me prends la masse de courriers sur le nez. Et c'est en ramassant la dizaine de lettres au sol, que je tombe sur un morceau d'article de journal, plus précisément de la page des petites annonces, avec écrit au stylo dessus :

«  Concernant la chambre n°123, doit partir. Pas de CMU, pas de mutuelle, plus malade mais encore dans le service. Lui trouver un logement ce mois-ci »

Le genre de petit mot que j'adore. Analysons son contenu :

  • Pas de signature, mais au regard de l'écriture, ça doit être un médecin.
  • « La chambre 123 »... Hmm hmm, un médecin qui ne connaît pas le nom du patient.
  • « Plus malade mais encore dans le service »... Parce que c'est à moi de décider quel patient peut sortir ou pas ? Il s'agit d'un médecin qui ne connaît pas son boulot.
  • « Lui trouver un logement ce mois-ci »... Et c'est un médecin qui ne connaît pas la difficulté de trouver un logement !

L'auteur de ce mot doux identifié, je m'en vais à sa rencontre.

Le docteur Jesuibiento- Alaretraite, est, comme son nom l'indique en fin de carrière. Il s'agit du type d'homme qui a le don de m'agacer : très sur de lui, séducteur, qui n'a pas besoin d'écouter les patients pour deviner ce qu'ils ont, qui vous fait des transmissions sur des bouts de cartons à pizza ou d'articles de journaux, et qui facture des consultations aux patients en permission de sortie (donc à des patients qu'il n'a pas vu)

Ce médecin m'explique alors qu'il juge l'état de santé de monsieur Idouapartir stable depuis un long moment et qu'il serait temps qu'il quitte la clinique. D'autant plus que ce monsieur est « logé, nourri, blanchi aux frais de la princesse depuis des mois » puisque le forfait hospitalier n'est payé par personne. Et qu'il s'agit là d'un patient « non rentable pour la clinique ».

Le décor est posé.

Le jour même, je m’attelle à la tâche. Durant plusieurs mois, je recherche activement une solution de sortie pour ce monsieur : j'épluche les petites annonces, je dépose des demandes de logement chez tous les bailleurs sociaux du territoire, je contacte les CHRS et les résidences sociales.

Et cela porte ses fruits :
  • 2 propositions de logement en HLM : monsieur les a refusées, il voulait absolument un balcon !
  • 1 place en résidence sociale : refusée par monsieur qui n'avait pas envie de se retrouver « avec des cas-soc »
  • 1 place en CHRS (foyer d'urgence) : je vous laisse deviner sa réponse...

Après toutes ces mises en échec, j'explique à ce monsieur qu'il ne trouvera pas tout de suite le logement de ses rêves, que sa facture à la clinique augmente chaque jour, qu'il est en surendettement et que pour éviter d’aggraver sa situation, il serait préférable qu'il accepte cette place en CHRS qui est ma dernière carte.

Il refuse.

Je suis fatiguée. Mes congés approchent. Je perds patience.

Avant de partir en congés, j'explique mes démarches et ces refus au docteur Jesuibiento-Alaretraite. Il suggère que nous mettions une date ultimatum à monsieur Idouapartir, pour le secouer. Le docteur va se charger de lui annoncer la date butoir, à savoir un délai de deux mois comme nous l'avons décidé ensemble, à laquelle monsieur devra quitter la clinique.

Petite aparté : Avec le recul j'ai honte d'avoir cautionné cette histoire d'ultimatum sans même avoir pris le temps de chercher à comprendre pourquoi monsieur Idouapartir mettait systématiquement en échec les solutions de sortie que je lui proposais... Les joies des débuts !

Après trois semaines d'absence, me voici de retour à la clinique, les joues rosées par le soleil des vacances, la bonne humeur due au repos. Je vide mon casier... Enfin, il se vide sur moi. Je découvre un nouveau petit mot mystérieux :

« Monsieur Idouapartir doit te voir absolument aujourd'hui. Il sort cet après-midi »

Il sort ? Trois semaines après l'annonce de l'ultimatum ? Il a trouvé un lieu où loger, bonne nouvelle !

Justement, monsieur Idouapartir m'attend dans la salle d'attente. Il veut me voir tout de suite. Il est souriant.

Je l'invite à s'installer dans mon bureau, je suis contente pour lui, sincèrement. Je commence la conversation :

  • Alors c'est le grand jour ? Vous sortez ?

Monsieur souri.
Se met debout.
Il prend sa respiration puis se met alors à hurler, m'insulte. 

Je tente d'apaiser les choses en lui expliquant que je ne comprends pas ce qu'il veut dire et lui demande de se rasseoir.


Toujours debout, il lève les bras au ciel.
Devient rouge, la colère monte.
Abaisse ses poings sur mon bureau, en frappant si fort que mon bureau s'écroule sous la force du coup.

Mes mains tremblent. Je ne comprends absolument pas ce qu'il se passe.

Je regarde autour de moi : je suis assise sur mon siège de bureau, contre le mur, avec un bureau effondré à mes pieds. La porte d'entrée se trouve derrière monsieur. Ma fenêtre est à sa gauche, inaccessible.

Je sens ce qu'il va se passer. Je vais mourir.

Tout se passe très vite, la scène me semble durer une éternité.

Il attrape chaque élément de mon ordinateur, les lance contre le mur, juste à côté de ma tête.
Il hurle, pousse des cris effrayant.
Mon téléphone subit le même sort.
Il prend mes dossiers, les vide un à un par terre.

Tout vole autour de moi, je suis incapable de bouger, je le regarde s'agiter, impuissante, contrainte d'attendre que cela se termine.

Il prend alors un morceau de mon bureau et me frappe avec au visage. 
Mon oreille droite siffle. J'ai mal à la tête. Je suis toujours assise sur mon siège de bureau...

Il quitte mon bureau. Enfin c'est terminé.
« Je vais la quitter ta clinique, je suis à la rue à cause de toi. Je dors où moi ? Je connais ta voiture, je t'attendrai sur le parking il n'est pas filmé »

La porte se ferme. Je suis seule au milieu de tout ça. Je tremble. Les larmes coulent toutes seules sans que je ne réagisse.

Pas de collègue. Personne n'est venu m'aider. Je ne peux plus bouger. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, ce que j'ai fait. J'ai horriblement mal à la tête et ce sifflement qui n'en fini plus...

Soudainement, la secrétaire entre dans le bureau et m'hurle : « Qu'est-ce que tu fous, ça fait vingt minutes que j'essaie de t’appeler, ton rendez-vous t'attend ! »

Elle découvre alors les dégats, me voit assise par terre et va chercher de l'aide.

Les choses vont ensuite très vite, je ne réalise pas ce qu'il vient de se passer :

  • La police est venue chercher monsieur Idouapartir à la clinique
  • On m'a conduite à l'hôpital pour me soigner et faire constater le coup
  • Je n'ai pas voulu porter plainte contre monsieur Idouapartir.* Ma chef l'a donc fait en son nom à ma place. Je n'ai pas voulu rester à l'hôpital.
  • Devant le manque de solidarité et d'aide des collègues, devant le manque de sécurité que je ressentais désormais au boulot, j'ai exercé mon droit de retrait et le délégué syndical a réclamé un bureau moins isolé. Ce qui n'a pas plu à ma chef qui banalisait la situation « ce sont les aléas du métier » disait-elle. 
  • J'ai obtenu un bureau moins isolé mais en contre partie, je devais justifier heure par heure de mon emploi du temps et faire la manche pour avoir un stylo, un nouvel ordinateur et un nouveau téléphone !
  • J'ai eu mal à la tête durant quelques jours, un bel hématome sur la joue, une belle frayeur mais rien de grave.

Cet événement, ajouté à la mauvaise ambiance générale dans la clinique et au 90 km qui me séparaient de ce boulot, m'ont conduit à démissionner quelques mois après, le temps pour moi de trouver un nouvel emploi.

Il m'a fallu quelques semaines pour ne plus avoir peur d'aller travailler dans cette clinique. Systématiquement une collègue m'accompagnait sur le parking car je craignais les représailles annoncées.

Après cet événement, j'ai appris à aménager mon bureau pour pouvoir sortir rapidement en cas de nouvelle agression et je songe à prendre des cours d'escalade pour le cas où, mon futur bureau se trouverait à l'étage !

* Après l'agression, j'ai enfin pu savoir ce qui avait conduit ce monsieur a réagir ainsi (préparez-vous au coup de grâce) : le docteur Jesuisbiento-Alaretraite était allé le voir dans sa chambre la veille de mon retour de congés, pour lui annoncer l'ultimatum dont nous avions convenu... Ou presque. Puisqu'en réalité, il a annoncé à monsieur qu'il était exclu de la clinique dès le lendemain, à la demande de l'assistante sociale !